Séparation

Lorsque l’entente est gravement perturbée entre deux époux, l’un d’eux peut demander au Tribunal de la famille de prendre des mesures urgentes et provisoires afin de permettre aux époux de réfléchir séparément à la poursuite éventuelle de leur vie de couple (article 223 du Code civil).

Pour obtenir l’autorisation de vivre séparément, il suffit d’invoquer la mésentente ou, si nécessaire, le manquement grave de son conjoint à ses devoirs. Le juge n’a cependant pas à se prononcer sur la question de savoir lequel des époux est responsable de la séparation.

Cette procédure est introduite par une citation d’huissier ou par le dépôt d’une requête au greffe du tribunal de la famille qui a déjà connu d’un litige entre les époux, à défaut du tribunal du domicile ou de la résidence habituelle du ou des enfants mineur(s) des parties, à défaut encore du tribunal du domicile du défendeur ou de la (dernière) résidence conjugale. Cette requête, souvent rédigée par l’intermédiaire d’un avocat, doit contenir différentes mentions prévues au Code judiciaire.

La requête doit contenir l’énonciation des demandes formulées par l’époux qui souhaite une séparation provisoire (voir ci-après).
Elle doit être accompagnée d’un certificat de résidence du conjoint appelé à comparaître devant le Tribunal de la famille. Ce certificat ne peut dater de plus de quinze jours.
Le dépôt de la requête entraîne un coût de 120 euros appelé  » mise au rôle « .

Dans les jours qui suivent le dépôt de la requête, le greffe vous avertira, vous et votre conjoint, de la date de l’audience.

Lors de celle-ci, le juge reçoit les époux, accompagnés de leur éventuel avocat, en  » chambre du conseil  » (en réalité le bureau du juge) afin d’éviter la publicité des salles d’audience.

Même si les mesures provisoires ne sont pas limitées dans le temps, les parties peuvent à tout moment décider de reprendre la vie commune ou, au contraire, de soumettre une demande de divorce au tribunal de la famille.

Les mesures allouées par le Tribunal de la famille peuvent être les suivantes :

1. Résidences séparées

La séparation provisoire des conjoints implique la fixation de résidences séparées.
Si les deux époux sont d’accord sur le choix de leur résidence séparée, le juge entérine cet accord. Si chacun des époux désire continuer à occuper la résidence conjugale, le juge tranche en tenant compte de différents critères tels que :
– l’intérêt des enfants de rester hébergés principalement dans le logement familial
– l’exercice de la profession d’un des époux dans la résidence conjugale

Il est à noter que si la résidence conjugale appartient  » en propre  » à l’un des époux, ce n’est pas nécessairement lui qui pourra l’occuper pendant la séparation provisoire.

Le juge interdit à chacun des conjoints de pénétrer en la résidence de l’autre sans son accord préalable sous peine d’en être expulsé.

L’autorisation de résider séparément ne dispense pas les époux de leur obligation de fidélité.

2. Mesures relatives aux enfants communs

a. Autorité parentale

L’autorité parentale concerne les décisions importantes que les parents doivent prendre relativement à leurs enfants notamment en ce qui concerne les choix scolaires, l’orientation philosophique ou religieuse ainsi que les décisions relatives aux traitements médicaux. La loi prévoit que, tant pendant la vie commune qu’après la séparation, les parents exercent conjointement l’autorité parentale à l’égard de leurs enfants mineurs communs.
Le plus souvent, le juge confirmera ce principe. Exceptionnellement, il peut, dans l’intérêt des enfants, confier à un seul des deux parents l’exercice exclusif de l’autorité parentale, de manière globale ou dans certains domaines particuliers (par exemple la scolarité ou l’orientation religieuse des enfants).

b. Hébergement des enfants

Le juge fixe les modalités d’hébergement des enfants mineurs ainsi que leur domicile.

La loi prévoit que lorsqu’un des parents au moins en fait la demande, le modèle privilégié est l’hébergement est alterné ou égalitaire, c’est-à-dire que les périodes d’hébergement chez chacun des parents sont de même durée (très souvent une semaine sur deux).

Dans certains cas, le juge peut prévoir que l’hébergement est principal chez l’un des parents et secondaire chez l’autre (l’hébergement secondaire est souvent fixé pendant l’année scolaire à raison de un week-end sur deux, mais d’autres formules existent pour permettre au parent qui ne bénéficie pas de l’hébergement principal, d’accueillir ses enfants quelques jours en semaine).

Si les parents ne sont pas d’accord entre eux, le juge prendra sa décision en tenant compte des éléments suivants :
– âge des enfants
– disponibilité de chacun des parents, notamment en fonction de leur horaire de travail
– distance entre l’école et les résidences séparées des parents
– désir de ne pas séparer les fratries
– le souhait émis par l’enfant lorsqu’il est en âge d’être entendu par le juge

c. Contribution aux frais d’entretien, d’éducation et de formation des enfants

La loi prévoit que les parents contribuent aux frais d’entretien, d’éducation et de formation de leurs enfants selon leurs facultés et ceci même après la séparation (article 203 du Code civil).
Les contributions alimentaires sont fixées en fonction des besoins des enfants ainsi que des revenus et charges des parents. Le train de vie de la famille avant la séparation entre également en ligne de compte. Les contributions alimentaires sont payables chaque mois de l’année, donc y compris durant les périodes pendant lesquelles le parent qui doit payer les contributions alimentaires héberge les enfants.

L’instauration d’un hébergement alterné ou égalitaire des enfants communs n’empêche pas que se pose la question des contributions alimentaires. En effet, il peut arriver que la différence des revenus et charges de chacun des parents soit suffisamment importante pour qu’elle justifie le paiement de contributions alimentaires en faveur des enfants.

Les frais extraordinaires (médicaux et paramédicaux, scolaires et parascolaires, …) ne sont habituellement pas couverts par les montants payés à titre de contributions alimentaires. Les frais extraordinaires (à définir soigneusement afin d’éviter des discussions inutiles) sont généralement partagés entre les parents en proportion de leurs revenus respectifs. L’exposition des frais extraordinaires requiert en principe et sauf urgence l’accord des deux parents.

Le paiement des contributions alimentaires ne cesse que lorsque les enfants auront terminé leur scolarité (normale) et voleront de leurs propres ailes.

Le Tribunal précisera également lequel des deux parents bénéficiera des allocations familiales.

Le parent qui doit payer des contributions alimentaires pourra fiscalement déduire les montants versés à concurrence de 80 %. Inversement, le parent qui reçoit les contributions alimentaires devra en théorie, d’un point de vue fiscal, déclarer distinctement, au nom de l’enfant, les montants reçus également à concurrence de 80%. Pour autant que l’enfant concerné n’ait pas d’autres revenus et que les contributions perçues ne dépassent pas certains plafonds, il ne sera pas taxé et le parent qui perçoit la contribution alimentaire pourra continuer à bénéficier de la quotité exemptée d’impôt pour enfant à charge.

3. Provision alimentaire entre époux

A la demande d’un des époux, le Tribunal de la famille peut condamner son conjoint à lui payer une provision alimentaire. La décision du juge dépendra des revenus et charges de chacune des parties et éventuellement des fautes de chaque conjoint. Cette provision alimentaire se fonde sur le devoir de secours entre les époux et prendra donc fin en cas de divorce. Elle est destinée à permettre au conjoint le moins aisé de conserver le train de vie qui aurait été le sien si la séparation n’était pas survenue, tenant compte toutefois des frais supplémentaires engendrés par cette séparation. Le secours alimentaire peut dans certains cas faire place après le divorce à une pension alimentaire après divorce, dont les critères de fixation sont toutefois très différents.

4. Autres mesures

a. La répartition des charges

Le Tribunal de la famille peut décider, au vu des ressources respectives des conjoints, lequel des deux époux devra poursuivre le paiement des charges (remboursement du prêt hypothécaire et d’emprunts divers, paiement du loyer de la résidence conjugale, …).

b. La délégation de sommes

S’il existe un risque sérieux d’inexécution des obligations alimentaires, le juge peut accorder une délégation de sommes, ce qui signifie que l’époux créancier d’aliments peut les percevoir directement auprès de l’employeur ou de tout autre débiteur de son conjoint.

c. Les mesures relatives aux biens

A la demande d’un des époux, le juge peut interdire aux conjoints de vendre, de donner ou de déplacer les meubles qui garnissent la résidence conjugale.

Il peut également attribuer provisoirement la jouissance des biens (notamment les véhicules) à l’un ou l’autre des époux.

Il peut aussi prendre toutes mesures permettant de préserver les biens appartenant aux époux en rendant indisponible leur épargne commune ou en ordonnant qu’un inventaire des biens des époux soit établi par un notaire.

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Dès leur prononcé, les décisions du Tribunal de la famille sont notifiées aux époux par le greffe (envoi par pli recommandé). Les conjoints disposent alors d’un délai d’un mois pour faire appel ou opposition (dans le cas d’un jugement par défaut). Si un des époux forme une opposition, c’est le Tribunal de la famille qui réexaminera le dossier. En cas d’appel, c’est la Cour d’Appel qui est compétente.

Les mesures ordonnées en cette matière par le Tribunal de la famille sont provisoires, ce qui signifie notamment qu’elles peuvent être revues à tout moment si des éléments nouveaux surviennent. Il suffit pour cela de déposer de nouvelles conclusions au greffe, qui fixera une nouvelle audience dans un délai de 15 jours.